Dès qu’on est tout petit, on apprend à moduler nos réactions selon la réaction des gens. Dans la vie de tous les jours, c’est un gros plus pour faciliter notre cohabitation humaine, mais à un moment donné ça nous rattrape et c’est là qu’on constate la dualité qui peut se créer en faisant toujours ce qui est attendu de nous au lieu d’agir avec nos tripes. Je ne parle pas d’être en mode réaction sans analyser l’impact de nos gestes, mais plutôt d’être qui nous sommes réellement et d’agir avec notre cœur en fonction de nos valeurs et de nos expériences propres sans avoir peur du jugement de l’autre.
Ce conflit intérieur, pour ma part, s’est accentué avec les réseaux sociaux. Quel terrain propice à la création d’un « soi » idéal. On nous donne le pouvoir de choisir les facettes reluisantes que nous mettons de l’avant. On expose toute notre lumière au grand jour. C’est trippant ben raide au début. Les hormones du bonheur embarquent assez rapidement, le tout à grand coup de « likes ». On embarque assez vite dans la danse et inconsciemment on devient dépendant de tout le bonheur rapide et facile que cela peut nous apporter. On en vient même à se remonter le moral nous-mêmes, au début, en allant voir notre page et en voyant tout ce qu’on a fait de génial lors de la dernière semaine : J’ai cuisiné « su’a coche » et posté une photo de mon assiette digne des plus grands restos, j’ai fait mon jogging, j’ai fait faire 10 000 activités aux enfants, j’ai eu plein de « likes » pour ma nouvelle photo de profil, pis tout le monde trouve qu’on est tellement un beau couple mon chum pis moi. Ton estime gonfle, ta confiance en soi est dans le tapis! Tous les compliments qu’on n’ose jamais se dire en pleine face, on se les garroche à grand coup de fleurs sur les réseaux sociaux (on parle ici d’un compte privé avec des amis bien sélectionnés). Pis le « high » peut durer un méchant bout! Sauf que là, tu te mets toi aussi à « liker » les photos de tes amis (Je dis les photos, car les statuts sans photos ça demande bien trop d’efforts et peu de résultats…) pis là, tranquillement, je dirais même insidieusement, la cour du voisin devient plus verte; mais ça, tu n’en parle pas. Tu répliques avec d’autres photos encore plus belles, plus heureuses, plus pimpantes de « bonheur »… C’est là que le poison s’installe et que tu commences à étouffer. Tu étouffes, car même toi, tu n’es plus à la hauteur du personnage virtuel censé te représenter… Sournoisement, toutes ces images de perfection font naître plein de doutes en toi et tu te sens un imposteur. Un imposteur, car les fois où que tu pètes une coche, tu ne l’exposes pas sur Facebook. Ou si tu le fais, tu y vas du style autodérision bien dosée avec touche d’humour (très fort pour recevoir plein d’empathie et te rendre encore plus attachant). C’est là que cette dualité vient t’écorcher. Que ton ombre te ramène… Ce n’est pas que ce que tu exposes n’est pas vrai, mais c’est qu’il manque une grosse partie d’un tout beaucoup plus complexe.